Le karma

Mot sanskrit qui signifie "action" et qui est généralement traduit par "causalité des actes". Selon les enseignements du Bouddha, ni la destinée des êtres, ni leur joie, ni leur souffrance ni leur perception de l'univers ne sont dues au hasard ou à la volonté d'une entité toute-puissante. Elles sont le résultat de leurs actes passés. De même , le futur est déterminé par la qualité, positive ou négative, de leurs actes présents. On distingue un karma collectif, qui définit notre perception générale du monde et un karma individuel qui détermine nos expériences personnelles.

Le karma est d'abord une notion, une conception, c'est-à-dire un modèle dans lequel un groupe culturel a reconnu une certaine valeur comme répondant à certaines interrogations (en l'occurrence le bouddhisme, ou la philosophie indienne primitive).

Ensuite, il y a avec cette notion de karma deux notions qui ne découlent pas forcément l'une de l'autre et qui sont toujours indissociablement liées :

Le karma, c'est d'abord l'idée que les actes d'aujourd'hui ont des conséquences qui peuvent s'exercer dans le futur indéfiniment, ou durablement.

Le karma permet d'extrapoler que les actes d'aujourd'hui peuvent être les effets d'actes antérieurs.

La première affirmation ne pose pas de grands problèmes, pour peu que l'on soit un peu sensible, un peu attentif aux choses, car  les actes d'aujourd'hui ont des conséquences qui peuvent être largement prévisibles dans le futur. Avec le sens de l'anticipation, le souci du devenir, il est possible d'orienter ces actions pour obtenir des effets les meilleurs possibles.

Avec l'idée que s'assurer des effets propices ne serait d'une utilité toute relative s'il devait demeurer de la "souffrance " (dukkha). C'est là que le bouddhisme pose une différence radicale.

La deuxième affirmation est moins évidente. En effet, il n'est pas toujours facile de reconnaître dans les événements que nous vivons une conséquence d'actes antérieurement effectués. Ces tendances interprétatives, qu'on peut appeler "le retour de bâton ", consiste en approches de cette notion uniquement sous l'angle d'une faute qui engendre une sanction. Ces tendances n'appartiennent pas au bouddhisme. Il n'est pas question de qualifier les actes en eux-mêmes comme intrinsèquement bons ou mauvais.

Comment peut-on identifier ce qui est karmique dans notre vie et sur quoi doit on travailler ?

A chaque fois qu'on s'abandonne à ses émotions, à ses passions, à ses inclinations, à sa volupté sensuelle, et il n'y rien là de bien ou mal, mais seulement les actes et leurs conséquences dans lesquels on ne décide plus rien. Il n'y pas nécessairement dukkha (souffrance) au bout. Mais si la souffrance s'installe comme une forme difficilement supportable, conduisant à une fuite éperdue en avant, engendrant des effets objectivement négatifs pour soi-même ou pour les autres (et là, c'est le karma dans ses conséquences négatives…), alors dans toutes ces situations où le karma, bien plus que dans les situations agréables, a démontré sa puissance et sa force d'entraînement, le bouddhisme propose une analyse et une réponse à cette situation.

Le karma n'est cependant pas réduit à une logique exclusivement négative. C'est seulement par ses effets inopportuns que la mécanique karmique démontre d'une manière plus "visible" ses effets. Cette mécanique n'est ni bonne ni mauvaise, ni profitable ni dommageable, elle est simplement à l'œuvre partout, tout le temps. Dans cette dynamique, ce n'est pas le sujet qui se réalise, c'est le karma qui se réalise.

De ces éléments karmiques, notre quotidien en est plein. Une émotion survient et se signale à nous, elle nous happe d'une manière qui nous surprend presque nous même. On se dit " tiens, mais pourquoi telle situation s'est-elle cristallisée, alors que je me croyais hors de cela ? " Voilà un mécanisme karmique, on est conduit à une certaine émotion sans avoir le sentiment de l'avoir choisie.  On peut en ressentir un certain agacement :  " mais pourquoi ? ".

Par rapport à ce phénomène, le bouddhisme essaye de répondre avec ses techniques et notamment celle du " nota " (de l'anglais " noting " qui veut dire ici, pendre en note, observer, noter dans la marge ). Par le nota, on note " tiens, telle idée est survenue " (point final). Par ce nota, il n'y pas de " je n'en veux pas ", pas de " oh oui, j'en veux ", pas de " c'est désagréable ", pas de " c'est agréable ". Par le nota, on observe qu'une émotion, même étrangère à nos aspirations, peut s'imposer, peut s'installer, mais par le nota on observe aussi qu'elle décline, qu'elle se dissipe, qu'elle s'oublie complètement après quelques temps. C'est une  méthode pour se mettre à l'abri des mécanismes karmiques. Le bouddhisme ne va pas forcément accorder une importance primordiale au " pourquoi ".

Toutefois, on sait bien combien les conditionnements culturels, familiaux, sociaux, professionnels … véhiculent des contraintes qui sont susceptibles d'orienter nos actes selon des schémas qui ne sont pas toujours ceux que nous désirons. La psychanalyse a montré (après les indiens et les bouddhistes d'ailleurs …), combien des événements vécus durant l'enfance, soit pendant une période où le sujet n'a pas la possibilité de choisir et de maîtriser ses émotions, pouvaient inscrire durablement certains comportements en dehors du contrôle du sujet.

Jusqu'à quel point modifier ce karma ?

Si on se réfère aux écrits et aux commentaires bouddhiques, on peut répondre qu'on peut complètement supplanter et éliminer ce karma, pour peu qu'on l'ait pleinement identifié et qu'on ait renoncé à tout attachement. C' est le choix d'une vie.

Le bouddhisme est le choix d'une libération totale et complète de tout karma, et certains courants du bouddhisme ont ajouté "dans cette vie même".

Le bouddhisme considère que la dynamique du karma est telle que cet attachement au moi qui ressent, qui se projette dans un autre, dans une descendance, dans une activité spécifique etc … est tellement puissant qu'elle poursuivra sa course au delà de la mort physique. Plutôt que de réincarnation, qui n'est pas un terme très approprié, on parlera de continuation, tant les forces mise en œuvre sont puissantes aux fins de la réalisation karmique.

Il est impossible d'avoir une approche de la notion de karma, sans se soucier de la question de la réincarnation. Toute la mécanique karmique avant de s'appliquer à des incarnations antérieures ou de se projeter dans d'éventuelles incarnations ultérieures, s'applique avant tout à l'incarnation présente .Le bouddhisme ne cherche pas à réparer la vie passée ou à peaufiner la vie future, mais à réaliser pleinement la vie actuelle. Le bouddhisme propose une méthode pour supprimer "dukkha ", cette souffrance qui se manifeste dans la vie présente.