Qui est ma mère ? qui sont mes frères ?

 

Être blessé de la blessure de l'autre

en ville, chaque jour, on croise des hommes et des femmes qui, de plus en plus nombreux, demandent de l'aide. Et, à la fin de la journée, que nous ayons donné ou pas, nous nous posons la question : « Qu'ai-je fait ? Qu'aurais-je pu faire ? » Je crois qu'il faut avoir l'humilité de reconnaître que nous n'avons pas le temps, que ce n'est pas non plus forcément notre rôle. Mais, ce que l'on peut, ce que l'on doit faire -que l'on donne ou pas-, c'est agir en sorte que cette femme, cet homme aient vu qu'on les voyait. Bien sûr, si vous pouvez leur donner un euro, c'est mieux. Mais, en faisant ce geste, regardez-les !

Un jour l'un deux m'a dit : « Le pire, dans ces moments là, c'est le regard. Il n'a pas distingué cet humain qui mendie de l'affiche qui est sur le mur, derrière lui.»

C'est vrai, il faudrait avoir le temps de s'asseoir à côté de celui qui mendie. Mais combien d'entre nous disposent de ce temps ? Dans les débuts d'Emmaüs, nombreux étaient ceux qui ont rejoint la communauté parce que je m'étais arrêté pour parler avec eux alors qu'ils étaient, pour certains, au bord du suicide. Mais ne nous racontons pas d'histoire, il faut avoir du temps pour s'arrêter, pour revenir, pour écouter. On ne peut pas demander cela à la mère de famille ou à celui qui est contraint à l'exactitude par son travail, leurs vocations sont d'un autre ordre.

Abbé Pierre

 

Henri Grouès ( 2007), dit l'Abbé Pierre, son nom de résistant prdonné prêtre en 1938, fonda en 1949 la communauté des chiffonniers d'Emmaüs. Son combat contre l'exclusion fit de lui une importante figure de la vie sociale française.