Saint Grégoire le Grand écrivit ces lignes quand il était encore diacre.
Longtemps, indéfiniment, je retardai la grâce de la conversion, et même après avoir ressenti le désir du ciel, je cru préférable de garder l'habit du siècle.
Dès ce temps, m'apparaissait ce que je cherchais de l'amour éternel, mais les chaînes des habitudes enracinées m'empêchaient de changer ma manière de vivre. Mon esprit s'efforçait encore de ne servir le monde présent qu'en apparence, mais la sollicitude de ce même monde peu à peu fit grandir mille soucis contraires à mon bien, au point de me retenir non plus seulement par l'apparence, mais ce qui était plus grave, par l'âme. Enfin fuyant après réflexion tous ces embarras, je gagnais le havre du monastère, et ayant abandonné pour toujours, je le croyais du moins, les soucis du monde, nu, je m'échappais du nauffrage de la vie.
Comme il arrive souvent aux flots d'arracher un navire mal amarré, même de la baie la mieux abritée, quand la tempête se déchaîne, ainsi, brusquement, sous le prétexte de mon ordination, je fus rejeté sur l'océan des affaires temporelles... Plus tard, quelque résistance que j'ai pu faire, à ce ministère déjà lourd, on a ajouté le fardeau de la charge pastoral. Je le supporte d'autant plus difficilement maintenant que, ne me sentant pas à la hauteur de ma tâche, nulle confiance ne me console, ne me permet de respirer. En ces temps troublés où le monde est tout près de sa fin, les maux se multiplient, et nous-mêmes, que l'on croit absorbés par les mystères de la vie intérieure, nous sommes accaparés par les soucis extérieurs.
S. Grégoire le Grand
Saint Grégoire le grans († 604,) docteur de l'Église, fut préfet de Rome, moine et fondateur, diacre légat, puis pape de 590 à 604.