Jean-Marie Stock
«Neuf ans de parole aux sarregueminois»
"ainsi parlait notre curé"

Septembre 1988 à septembre 1997


Extraits...


Paroles Libres signées JMS parues dans la Lettre aux Chrétiens à partir du 15 mars 1992

 

Mise à l'écart de Monseigneur GAILLOT - 15 janvier 1995


Comme beaucoup d'autres, je viens d'apprendre la mise à l'écart de Jacques Gaillot. Selon le langage officiel : « le Saint Père a relevé du gouvernement pastoral d'Évreux Mgr Jacques Gaillot, le transférant au siège titulaire de Partenaria ». Autrement dit, le P. Gaillot est toujours évêque, mais n'exerce plus de responsabilités.

Je sais que cette nouvelle sera diversement commentée. Les uns se réjouissent de voir enfin ramené à la raison un évêque qu'ils considéraient comme une brebis galeuse. d'autres se sentiront un peu désabusés, un peu plus désespérés, un peu plus exclus d'une Église qui ne supporte pas la différence. Personnellement, je prends acte de cette décision avec une profonde tristesse. Tristesse pour mon Église qui se prive d'une parole qui, si elle a été souvent dérangeante ou contestable dans sa forme, a néanmoins réussi à être libre et inspirée par un authentique souci de l'Évangile à communiquer à tous les hommes quelque soit leur situation. Tristesse pour les hommes, les femmes, les jeunes pour qui Jacques Gaillot représentait une Église porteuse d'espérance et de respect, proche d'eux qui se sentaient soit exclus, soit incompris ou non reconnus. Ceux-là s'en voudront d'avoir pensé un moment que l'Église avait changé ! Et ils dériveront un peu plus.

Personne n'est obligé d'être d'accord avec les façons de faire de Mgr Gaillot. On peut discuter à perte de vu de l'opportunité de telle ou telle démarche. Il n'empêche que l'on ne peut oublier que J. Gaillot est resté dans l'orthodoxie de la foi chrétienne, qu'il n'a pas proféré d'hérésie, et ne s'est pas coupé volontairement de l'Église. Il a dérangé par sa différence, en disant tout haut ce que beaucoup d'évêques pensaient tout bas et en allant là où d'autres estimaient ne pas pouvoir aller. En somme Mgr Gaillot faisait trop désordre !

Il est inutile de polémiquer en vain et de s'indigner à outrance. La voie choisie par J. Gaillot manifestera son authenticité par la façon dont lui-même vivra cette lourde épreuve dans la fidèlité à son Église et à sa foi. Comme le grain tombé en terre elle portera du fruit si des chrétiens, mis en route par cet évêque peu commun, continueront à leur tour le sillon commencé.


 

"Méditations pour le temps de Noël" diffusées par Radio Jérico en décembre 1996.


Jeudi 26 décembre
Bonjour et bonne fête à ceux qui s'appellent Etienne.

Au lendemain de Noël, notre Église diocésaine fête son saint patron qui est en même temps le patron de l'Église Cathédrale. Il est toujours surprenant de voir l'Église universelle fêter au lendemain de la Nativité, celui qui est considéré comme le premier martyr, le premier témoin à donner sa vie pour sa foi. Peut-être est-ce pour rappeler que le calendrier lithurgique de l'année n'est pas la reprise d'une chronologie cohérente. Mais plus sûrement c'est la volonté d'affirmer que ce que nous célébrons à Noël n'est pas séparé de la croix. Le bois de la crèche et le bois de la croix sont de même nature. Etienne paie de sa vie sa foi autant dans le Ressuscité que dans le nouveau-né de Bethlehem qu'il voit debout à la droite de son père. Ce premier matyre qui n'est pas sans rappeler la passion du Christ. Il nous impose de réfléchir à la condition du disciple qui n'est pas au-dessus de son maître.

Dans l'Évangile, Jésus ne dissimule rien. Il insiste même lourdement : vous serez traînés devant les tribunaux... le frère livrera son frère... vous serez détestés de tous à cause de mon nom. On pourrait penser que ces temps sont révolus. Cela a pu se passer autrefois, ou cela peut encore exister dans d'autres pays. Mais aujourd'hui, de nos jours, chez nous, ça ne se passe plus ainsi. On aurait tort de régler ainsi le problème. Oh bien sûr il n'est pas forcément question de se faire traîner devant des gouverneurs ou des tribunaux à cause de sa foi, encore que...

Mais qui d'entre nous ne connaît pas des jeunes pour qui se proclamer chrétiens ou refuser les modes habituels de comportement c'est s'exposer aux ricanements, voire aux vexations , si ce n'est aux brimades. Vouloir être chrétien et en témoigner lorsqu'on est jeune avec des jeunes n'est pas évident et se paie quelquefois au prix fort.

Des familles se déchirent lorsqu'un des membres décide de prendre sa foi plus au sérieux. Je connais des chrétiens qui n'ont plus de contact avec les leurs depuis qu'ils ont décidés de vivre sérieusement leur engagement du baptême. Des hommes et des femmes, chrétiens et militants pourraient nous dire le prix dont ils ont payé, dans et en dehors de leurs organisations, leur engagement pour l'homme au nom de leur foi. Sans parler des railleries et des quolibets ordinaires qui accompagnent celui ou celle qui va encore chez le curé. Dans notre propre pays, chrétion à 80 et quelques %, la condition de disciple du Christ ne va pas de soi. Et que dire des exemples admirables qui nous viennent d'ailleurs où des chrétiens de toute condition paient au prix fort leur engagement, au nom du Christ, pour la justice en amérique latine, pour la liberté, à l'Est, pour la fraternité et la proximité en Algérie. Etienne est le premier d'une longue liste qui n'est pas près d'être close. La marche à la suite du Christ est pleine de risques. Mais, dit le Seigneur, ne vous tourmentez pas, l'Esprit parlera en vous.

Noël appelle autant le témoignage que Pâques et dans le combat entre les ténèbres et la lumière qu'évoque St Jean, il nous faut nous décider et choisir. Mais sur ces chemins, tant de chrétiens, hommes, femmes, jeunes nous précèdent déjà, alors pourquoi avoir peur ?


Vendredi 27 décembre
Bonjour et bonne fête à tous les auditeurs qui s'appellent Jean et ils sont nombreux.

J'ai gardé en mémoire le souvenir d'un tableau très expressif de la course des deux apôtres vers le tombeau. Ils sont représentés de profil, en tiers supérieur, sur la même ligne, mais Jean un peu en avant, tendus tous deux dans un même élan. Jean est très jeune, sur son visage se lisent autant l'inquiétude qu'un secret espoir. Pierre est grisonnant, il paraît préoccupé.
- De Pierre le texte (Jean 20, 1-10) ne dit rien, sinon qu'il entre le    premier, responsabilité oblige, et qu'il regarde. Voit-il seulement ?
- De Jean l'évangile nous dit « qu'il vit et qu'il crut ».
Cet épisode se situe à un moment intéressant qui est l'entre-deux. Jésus est mort et le Ressuscité ne s'est pas encore manifesté. La nouvelle est qu'on a enlevé le corps du Seigneur. On ne peut qu'imaginer l'état d'esprit des deux hommes courant vers le tombeau. Pierre est le chef. Il est attaché à son Maître, qui lui a pardonné sa trahison. Si on a vraiment enlevé le corps, il craint qu'il n'y ait des complications. Arrivé, il constate.
Jean, lui, est plus libre et plus proche du coeur du Maître. Le corps enlevé lui ouvre d'autres espoirs qui naissent de son désir de voir Jésus autrement que mort. Le temps de la course lui reviennent toutes les allusions du Seigneur, au troisième jour, mais aussi au fait qu'il serait toujours avec eux. Le coeur précède la raison et vivifie la mémoire. Cette course est la course de sa vie. Non seulement il aime Jésus assez pour ne pas se résoudre à sa mort, mais il a joué sa vie sur lui. Les raisons d'être et de vivre sont suspendues au but de sa course. Il n'est pas étonnant qu'il arrive le premier. Il ne se contente pas de regarder. Il voit une première fois, puis une seconde fois il vit et il crut. Tout se passe comme si la force de son désir et le poids de ce qui était en jeu pour lui , lui ouvrait plus rapidement qu'à Pierre le chemin de la foi au Ressuscité. Plus tard, au bord du lac, il sera de nouveau le premier à reconnaître le Seigneur.

La vie selon le Christ est une course nous rappelle St Paul. Elle n'est pas une aimable divagation, ni une promenade nonchalante. Nous sommes invités à être tendus vers le but à atteindre qui est tout à la fois, la vision de Dieu, voir enfin, et notre propre résurrection en Jésus-Christ. La foi nous soutient au long du chemin, mais comme pour Jean, c'est ce que nous investissons en elle de nos raisons d'être et de vivre qui la stimule. C'est la force de notre désir de voir se réaliser ce sur quoi nous avons misé notre vie, qui nous fait chercheur de Dieu sur les chemins des hommes, pour qu'enfin, un jour nous puissions le voir. Alors nous n'aurons plus besoin de croire, il ne restera que l'Amour, le désir enfin comblé.