Quelques notes que j'ai prises lors d'une interview de Philippe Sollers à la télévision, concernant son dernier livre : "Une vie divine" chez Gallimard - janvier 2006
Sollers parlant de Nietzsche : «Pourquoi a-t-il été à ce point censuré, oblitéré, interprété, falsifié par sa mère et ensuite par sa soeur surtout ? Qu'est-ce qui s'est emparé de l'Allemagne à un certain moment alors que voilà l'esprit le plus libre qui ait existé en allemand et en Allemagne ? Pourquoi a-t-on fait de ce Nietzsche cet épouvantail, ce surhomme? »
Sollers parlant de son livre : «Le narrateur, qui s'intéresse aux choses fondamentales, il se demande comment on pourrait sortir du XXe siècle, de ce désastre ! Alors il tombe sur Nietzsche, il trouve ça très frais, très électrique, très actuel, très caustique, très par-delà le bien et le mal puisque c'est ça notre discussion toujours, le bien le mal, très au-delà de la morale, la moralie. Qu'est-ce qui infecte à ce point la vie humaine depuis deux mille ans, sinon la moralie, la morale, le bien, le mal, la religion, etc.? Qu'est-ce qui fait qu'on pourrait sortir de ce cauchemar ?
Et alors il a écrit, excusez-moi, des livres que j'ai lu; -puis il y a des bibliothèques sur lui-, puis on s'aperçoit que personne n'a fait attention à sa vie sur lui, à sa vie concrète, comment il a vécu, qu'est-ce que c'était vraiment... J'ai lu sa correspondance, etc... C'est absolument extraordinaire ! »
«Il ne s'agit pas de mettre la philosophie dans le boudoir, mais de mettre le bordel dans la philosophie.»
- T.A : «Vous parlez de ce Daniel (donc qu'on comprend être Houellebecq) : "mauvaise enfance, corps peu désirable, intense masturbation, puis découverte tardive de jeunes partenaires attirés par sa célébrité et son argent; et là, il prend conscience de son vieillissement."
- Ph. Sollers : «Houellebecq est un écrivain important de notre époque, parce qu'il décrit exactement la misère sexuelle de notre époque; à laquelle il faut quand même observer qu'elle est niée partout.
L'homme d'aujourd'hui : pornographe et sentimental; quelqu'un de profondément déprimé, qui vit dans une sorte de désespérance.
Y a un romancier d'aujourd'hui, important, dont je parle sans le citer qui s'appelle Michel
Houellebecq -c'est pas la peine de faire comme s'il n'existait pas, il existe- et qui décrit de façon très précise et pertinente la misère sexuelle dans laquelle se trouve le monde contemporain. Si vous voulez faire semblant d'être en dehors de la misère sexuelle, il faut venir nous le prouver avec vos résultats, l'écrire et le publier. Il faut que chacun parle de sa vie privée, il faut que chacun ose dire la façon dont il vit. Est-ce que ça va ? Est-ce que ça ne va pas ? Est-ce que vous frimez ? Est-ce que vous inventez ? Est-ce que vous racontez n'importe quoi ? Il faut être précis dans ces choses et c'est là-dessus, que par exemple, on retrouve en effet la philosophie de Nietzsche.
Est-ce que vous voulez vivre oui ou non ? Ou est-ce que ça vous paraît barbant, assommant, vous préfériez en finir ? Vous êtes frustrés, déprimés, mélancolique ? Et c'est ça en effet qui est dans le monde que nous vivons. Un monde merveilleux, où le faux bonheur rutile de partout et où les masses frustrées, résignées peuvent allumer des bagnoles en banlieue ou bien se déprimer chez eux en se branlant sur n'importe quoi sans en jouir.»