Mystère de la croix

 

Tout le mystère du Christ est un mystère de résurrection, mais il est aussi un mystère de mort.

D'aucun amour naturel on ne passe de plain-pied à l'amour surnaturel. Il faut se perdre pour se retrouver. Dialectique spirituelle, dont la rigueur s'impose à l'humanité comme à l'individu, c'es-à-dire à mon amour de l'homme et des hommes aussi bien qu'à mon amour pour moi-même. Loi de l'exode, loi de l'extase... Si nul ne doit s'évader de l'humanité, l'humanité tout entière doit mourir à elle-même en chacun de ses membres pour vivre, transfigurée, en Dieu. Il n'y a de fraternité définitive que dans une commune adoration. Gloria Dei, vivens homo [La gloire de Dieu est l'homme vivant [saint Irénée] : mais l'homme n'accède à la vie, dans la seule société totale qui puisse être, que par le Soli Deo gloria [À Dieu seul la gloire]. Telle est la Pâque universelle, qui prépare la cité de Dieu.

Par le Christ mourant sur la croix, l'humanité, qu'il portait toute en lui, se renonce et meurt. Mais ce mystère est plus profond encore. Celui qui portait en lui tous les hommes était délaissé de tous. L'homme universel mourut seul.

Ô toi qui est seul entre les seuls, et qui est tout en tous !


Card. Henri de Lubac, S.J.

Théologien, Henri de Lubac († 1991) fut le specialiste de l'intelligence
spirituelle de l'Ecriture selon la tradition patristique.