Extraits...
"Casse ce verre, ai-je pensé au fond de moi, parce que c'est un geste symbolique. Essaie de comprendre que j'ai cassé en moi des choses bien plus importantes qu'un verre, et que j'en suis heureuse. Considère ton propre combat intérieur et casse ce verre. Parce que nos parents nous ont appris que les passions d'enfance sont du domaine de l'impossible, que nous ne devons pas éloigner les hommes du sacerdoce, que les gens ne font pas de miracle, et que personne ne part en voyage sans savoir où il va. Casse ce verre, je t'en prie, et libère-nous de tous ces maudits préjugés, de cette manie qu'on a de tout expliquer et de ne faire que ce qu'approuvent les autres.
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Il m'a déshabillé et m'a pénétré. J'ai senti sa force, sa peur, sa volonté. J'ai eu un peu mal mais c'est sans importance. De même qu'était sans importance le plaisir que je ressentais en cet instant. Je passais mes mains sur sa tête, je l'entendais gémir, et je remerciais Dieu parce qu'il était là, en moi, et me procurait la même sensation que si ç'avait été la première fois.
Nous nous sommes aimés toute la nuit - et l'amour se mêlait au sommeil et aux rêves. Je le sentais à l'intérieur de mon corps et je le serrais dans mes bras pour être bien sûre que c'était vrai. Pour empêcher qu'il s'en allât soudain - comme ces chevaliers errants qui avaient un jour, au temps de jadis, vécu dans ce château maintenant transformé en hôtel.
Je serais sa compagne. Ensemble nous ouvririons de nouvelles routes dans un monde à réinventer. Nous parlerions de la Grande Mère, nous lutterions aux côtés de l'archange Saint Michel, nous vivrions ensemble l'angoisse et l'extase des pionniers. C'est cela que m'avaient dit les langues; et moi, j'avais retrouvé la foi, je savais qu'elles disaient vrai.
"Merci Seigneur", me disais-je, tandis que nous nous enfoncions de plus en plus dans les entrailles de la terre. Parce que j'étais une brebis égarée, et que Tu m'as ramenée. Parce que ma vie était morte et que Tu l'as ressuscitée. Parce que l'amour avait déserté mon coeur et que Tu m'as redonné cette grâce.
Mais Dieu était bon et m'avait rendu l'enthousiasme oublié, les aventures que j'avais rêvées, l'homme que -sans le vouloir- j'avais attendu tout au long de ma vie. Je n'éprouvais aucun remords du fait qu'il abandonnait le séminaire, car il existait bien des façons de servir Dieu, comme l'avait dit le père, et notre amour en multiplierait encore le nombre. Dorénavant, la chance m'était donnée de servir et aider - et cela grâce à lui.
"Merci Seigneur, de m'aider à servir. Apprends-moi à en être digne. Donne-moi les forces nécessaires pour faire partie de sa mission. Cheminer avec lui par le monde. Offrir un nouvel essor à ma vie spirituelle. Que tous nos jours soient comme ont été ceux-ci - de place en place à guérir les malades, réconforter les infligés, en parlant de l'amour que la Grande Mère nous porte à tous."
Il est facile de souffrir pour l'amour du prochain, pour l'amour du monde ou pour l'amour de son enfant. Cette souffrance fait partie de la vie. C'est une douleur noble et sublime. Il est facile de souffrir pour l'amour d'une cause ou d'une mission : cela ne fait que grandir le coeur de celui qui souffre. Mais comment expliquer ce que cela signifie de souffrir à cause d'un homme ! C'est impossible. C'est alors que l'on vit un enfer parce qu'il n'y a là ni noblesse ni grandeur - misère seulement.
Tout ce qu'il y avait de plus important dans ma vie m'avait été accordé généreusement le temps d'une semaine - et m'avait été enlevé en une minute, sans me laisser seulement la possibilité de ne rien dire.