La lettre de la Pastorale Santé
À l'automne de la vie
M. Th, bientôt 80 ans, vivant seule en appartement, a accepté de nous livrer ses réflexions après avoir vécu plusieurs accidents de santé très douleureux qui l'ont immobilisée pendant plusieurs mois en fauteuil roulant.
Terrassée par une douleur intense me rendant la marche impossible, je ne me doutais pas que plusieurs mois de dépendance m'attendaient, clouée sur un fauteuil roulant. Après un mois en rhumatologie et deux en réadaptation fonctionnelle, j'ai eu la joie de rentrer chez moi grâce à la présence d'amis et à une auxiliaire de vie dont il a fallut accepter la présence... Je me sentais revivre; je rendais grâce à Dieu en particulier pour ce réseau extraordinaire d'affection et d'amitié, véritable thérapie en elle-même, puisque : « soigner, c'est aider à vivre ! ».
La présence fréquente de membres de la communauté paroissiale m'a fait toucher du doigt à quel point on peu trouver en elle une grande famille. Mais il existe aussi une communauté de vie avec le personnel soigant et les autres malades qui nous font découvrir « autre chose » que nos problèmes personnels. Chacun a les siens et, quelquefois, ceux des autres donnent moins d'importance aux nôtres. Relativiser nous fait opérer un décentrement de nous-même qui nous rend plus disponible et plus ouvert aux autres, plus à l'écoute de ce qu'ils vivent. Que de confidences n'ai-je pas reçues ! Dans la prière, tous ces gens rencontrés, écoutés, accueillis, étaient présents sous le regard de Dieu et nul doute que Sa tendresse pouvait les rejoindre mystérueusement.
Avec le recul, je mesure combien toute mise à l'écart de la vie courante est déstabilisante, fragilisante, d'autant que le grand âge vient encore amplifier la situation de dépendance. Très vite se profile des questions plus ou moins angoissantes : Vais-je m'en sortir ? Puis-je encore envisager de vivre chez moi ? Est-ce juste de peser sur mon entourage si la situation de dépendance doit durer ? N'est-ce pas le moment d'entrer en maison de retraite ? Il faut à la fois vivre le présent et envisager un avenir tout à fait incertain. Suivant les jours, le moindre évènement devient une montagne impossible à franchir seule, découragement et larmes ne sont pas loin... d'où l'importance du réseau amical et des relations « vraies ».
Un prêtre m'a dit avec humour : « Vous êtes entrée dans l'automne de la vie et les feuilles tombent ! » Cette réflexion m'a beaucoup interpellée, elle me semble au coeur de la sagesse. Si les feuilles de l'arbre tombent à l'automne, le coeur de l'arbre, lui, ne change pas. Il fait face tout l'hiver alors qu'il a perdu toute sa parure, qu'il est complètement dépouillé et que sont mises à nu toutes les blessures de sa vie d'arbre. Ce qui importe, ce n'est pas sa parure éphémère, si belle soit-elle, c'est qu'il soit un arbre reconnu comme tel, où la sève circule encore.
À l'automne de la vie, il nous faut sans doute accepter de regarder avec humour les feuilles tomber, une à une... La parure a peu d'importance aux yeux de Dieu, elle a servi en son temps; ce qui compte c'est que la vie de Dieu continue de nous habiter, toujours plus vive, toujours plus chaude, toujours plus joyeuse.
Prière de Jean-Paul II écrite en 1985 :
« Si un jour la maladie devait envahir mon cerveau et anéantir ma lucidité, déjà, Seigneur, ma soumission est devant Toi et se poursuivra en une silencieuse adoration. Si un jour, un état d'inconscience prolongé devait me terrasser, je veux que chacune de ces heures que j'aurai à vivre soit une suite ininterrompue d'actions de grâce et que mon dernier soupir soit aussi un soupir d'amour. Mon âme, guidée à cet instant par la main de Marie, se présentera devant Toi pour chanter tes louanges éternellement ».