1 2 3 4 5


Extraits du livre de l'Abbé Pierre :
"Mon Dieu... Pourquoi ? "

.../


Désir sexuel et chasteté

Quand nous parlonsdu désir, nous pensons tous au désir sexuel qui est l'un des plus puissants instincts de la vie. Vécu n'importe comment il peut créer des désastres. Mais bien orienté, c'est-à-dire vécu dans une relation et un partage authentiques, il est très positif.

A titre personnel, j'ai fait très jeune le choix de la vie consacrée à Dieu et aux autres, et j'ai donc fait voeu de chasteté. D'une certaine manière j'ai eu la vie d'un captif. Lorsqu'on sait que quelque chose de désirable est irréalisable -puisque ma vie de moine, ensuite totalement absorbée par l'aide aux démunis, ne pouvait permettre une relation amoureuse-, il faut l'écarter. Ne pas laisser le désir prendre racine. Je parlerai de servitude consentie.

Cela n'enlève en rien la force du désir, et il m'est arrivé d'y céder d'une manière passagère. Mais je n'ai jamais eu de liaison régulière car je n'ai pas laisser le désir sexuel prendre racine. Cela m'aurait conduit à vivre une relation durable avec une femme, ce qui était contraire à mon choix de vie. J'ai donc connu l'expérience du désir sexuel et de sa très rare satisfaction, mais cette satisfaction fut une vraie source d'insatisfaction car je sentais que je n'étais pas dans le vrai.

J'ai senti que pour être pleinement satisfait le désir sexuel a besoin de s'exprimer dans une relation amoureuse, tendre, confiante. Or une telle relation m'était fermée par mon choix de vie. Je ne pouvais dès lors que rendre des femmes malheureuses et être moi-même tiraillé entre deux choix de vie inconciliables.

 

Célibat et mariage des prêtres

La simplicité ne peut exister que dans le vrai. Il faut refuser l'hypocrisie qui existe trop souvent. Il peut arriver à tout le monde de céder à la tentation charnelle, qui est une force vitale extrêmement puissante, mais c'est autre chose pour un prêtre ou un moine de ne pas arriver à faire de choix et de mener une double vie qui peut conduire, dans certains cas, à faire souffrir des femmes pendant des décennies.

En même temps, il faut se garder de tout jugement et de toute généralisation. Je connais des prêtres qui vivent en concubinage avec une femme qu'ils aiment depuis des années et qui acceptent bien cette situation. Ils continuent d'être de bons prêtres. Cela pose la question cruciale pour l'Eglise du mariage des prêtres et de l'ordination d'hommes mariés.

En ce qui me concerne, si j'avais été marié ou engagé dans une relation affective particulière, je n'aurais jamais pu faire ce que j'ai fait. Ma vocation réclamait une disponibilité totale. Je suis d'ailleurs convaincu qu'il est nécessaire qu'existe dans l'Eglise des prêtres mariés, et des prêtres célibataires qui puissent se consacrer totalement à la prière et aux autres.
Jésus a choisi des apôtres mariés -comme Pierre- et des apôtres célibataires qui le sont sans doute restés -comme Jean. L'Eglise a maintenu cette doublr vocation pendant des siècles avant d'imposer le célibat aux prêtres, comme cela était déjà le cas pour les évêques. Aujourd'hui on ordonne des hommes mariès non seulement dans l' Eglise orthodoxe, mais aussi dans l'Eglise catholique, chez les maronites ou les coptes, qui ont le choix du mariage ou du célibat

Puisque que l'Eglise catholique permet depuis des siècles à ces communautés orientales d'ordonner des prêtres mariés, je vois mal pour quelle raison Jean-Paul II a pu affirmer récemment qu'il était hors de question de revenir sur le célibat des prêtres pour le reste de l'Eglise catholique.
Cela ne tient pas. Non seulement cela permettrait sans doute de résoudre en partie la crise des vocations et de la pénurie des prêtres, mais je suis aussi certain qu'il y aurait toujours autant de vocations au célibat.

/...

Abbé Pierre - avec Frédéric Lenoir
« Mon Dieu... pourquoi ? » octobre 2005

 

             

1 2 3 4 5