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Rien de grave
Justine Lévy
Il est si beau ce petit livre noir/bleu marine ! Avec rien d'autre en couverture que des mots couleur bleue pervenche "Editions Stock, 2004". De plus, il est autobiographique à 80%. C'est son second livre. Le premier, en 1995 : "Le rendez-vous". Justine (Juliette) est la fille de Bernard Henri Lévy - "philosophe" comme le définit sa fille Quand on lui demande : "Pourquoi signer Lévy et pourquoi ne pas prendre un pseudo ? Elle répond : " On ne change pas de nom quand on est juif. Ca serait comme trahir ma judaïcité" Sa mère, un mannequin des années 60, qui s'est beaucoup investi dans le féministe et autres; l'a confiée à son père. Justine dit de son père : "Il est mon père et ma mère, il compte double". Comme son héroïne, son mari l'a quittée pour sa belle-mère (Carla Bruni*). Elle a connu un passage difficile avec les amphètes...** Il y a 5 ans de cela; maintenant elle va bien mais elle se dit toujours dans un état : "d'excusez-moi"
(de moi)
*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*
Extraits... (fin)
* On était dans la salle de bain, je me souviens. J'étais son petit ours. J'étais jalouse de cette fille-là, Paula, qui sortait avec son père et qu'on avait vu arriver, genre le monde est à moi et les mecs aussi. ... Ca l'amusait que je sois jalouse. Il me disait mais mon amour, c'est ma belle-mère, tu vas pas être jalouse de ma belle-mère ! Ca me faisait rire, mais quand même j'étais jalouse, je trouvais qu'elle faisait trop la coquette. ...
Je la trouvais belle et dangereuse avec ce visage immobile, comme sculpté dans la cire, quand elle souriait elle avait une sorte de déplacement des os qui découvrait ses dents, toutes pareilles, taillées pareilles, je la trouvais belle et bionique, avec un regard de tueuse.
** C'est comme ça que tout a commencé. Une fois, deux fois, et ensuite de plus en plus souvent, tous les jours, toutes les heures, huit par jour, jusqu'à dix, chaque fois que je doutais de moi, chaque fois que je sentais le regard de reproche d'Adrien et que je voulais vite me rattraper, chaque fois que je m'affolais et que j'avais envie d'appeler au secours. ...
Tout devenait facile, fluide, presque clair, je me sentais guérie, invulnérable, superwoman, je me sentais allégée, à chaque prise et jusqu'à la suivante, de mes mauvaises habitudes, de mes fuites et de mes renoncements, de ma fragilité, de ma paresse et de ma lâcheté, je me sentais allégée de ce côté à côté de la plaque qui énervait tellement Adrien, allégée de ce vide que je sentais en moi et qui aspirait tout, ma volonté, mes envies, ma gaieté - capable enfin, d'être celle qu'il voulait et que je n'étais pas.
Ca s'appelait Dinintel ces pilules miracle, ou Survector, ou captagon, on n'a qu'à dire amphétamines, juste amphétamines, car toutes ces saloperies se ressemblent, elles ont toutes le même effet. Les amphétamines c'est ce qu'il me fallait. Les amphétamines c'est ce qu'il me manquait pour être digne de mon mari... digne d'apparâitre à son bras dans ses soirées politiques, capable de ne pas faire de gaffes devant ses amis normaliens, capable de ne plus avoir peur qu'il me trompe, qu'il me quitte, qu'il me désaime, qu'il m'abandonne, je ne risquais plus rien, j'étais invulnérable, j'étais forte comme Terminator.
De ce temps-là, j'ai quand même gardé ça, ces impressions merveilleuses, miraculeuses, ce sentiment vague d'être sur un tapis volant, hors d'atteinte, triomphante. ...
A la fin, je prenais les gelules par trois, par cinq, par sept. Je les mélangeais. Je raccourcissaiss les délais. Trois Dinintel et deux Survector toutes les trois heures, juste pour pouvoir exécuter, mécaniquement, les gestes quotidiens qu'on fait d'habitude sans y penser, pour tenir, pour me doucher, pour acheter le pain, pour affronter les autres... ...
Je ne savais rien alors du cauchemar qui allait venir, de la dépression, de l'oedème pulmonaire dont j'ai failli mourir... ... et même si je l'avait su, ça n'aurait rien changé, je serais allée jusqu'au bout, presque au bout, comme je l'ai fait.
Fin
>> vers M. Serrault...

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