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Mettre "les pieds dans le plat" a deux sens très voisin d'après le dictionnaire. Soit commettre involontairement un impair, soit faire exprès de susciter un effet de scandale ou de mettre ses interlocuteurs dans l'embarras en les atteignant ouvertement. Je ne sais plus ce qui relève de l'impair, dans les pages qui suivent, ou de l'attaque involontaire. A moins que l'ensemble n'ait échappé à mon raisonnement sous le coup de l'émotion, de la colère, d'un éclat de rire ou de l'émerveillement.
Bonne Lecture !
Michel Serrault
Extraits...
Je ne suis pas un écrivain, encore moins un philosophe ou un moraliste, tout au plus un comédien un peu perdu, parfois, dans ce siècle tourmenté. Les journalistes me demandent souvent ce que je pense de tel ou tel événement qui surgit dans l'actualité. Une pirouette me sert presque toujours de réponse.
Pourquoi se prononcer ou pousser un cri ? A quoi bon exprimer une opinion définitive sur un sujet changeant quand on a pas le pouvoir de modifier le cours des choses ? Mais l'année dernière, j'ai éprouvé le besoin de fixer un peu mes idées. Depuis décembre 2002, je note sur des feuilles volantes, tout ce qui me passe par la tête, à la faveur d'une rencontre, d'une émission de télévision, d'une pièce de théatre, d'une déclaration de Georges Bush au journal télévisé ou d'une apparition du Pape au balcon du Vatican. On touvera dans ce journal ce qui me réjouit et m'agace, ceux que j'admire depuis toujours et ceux que je déteste provisoirement, des gens célèbres ou des inconnus...
Je fais un peu figure d'original chez les acteurs. On me téléphone ce matin pour me demander de ce que je pense du Pape, particulièrement fatigué avant-hier à la télévision pour sa messe de Noël. J'ai tellement dit que je suis croyant, pratiquant -quand je peux- qu'on m'imagine sans doute en ligne directe avec lui. Comme si nous étions de la même famille. Mon interlocuteur, au téléphone, sceptique de nature, a trouvé Jean-Paul II "pathétique", "diminué", et me demande s'il n'y a pas un peu de "coquetterie" de sa part à vouloir à tout prix se maintenir. Je ne crois pas. Bien sûr qu'il me touche, ce pape, épuisé, douleureux, dont le visage ne peut plus dissimuler les souffrances de la maladie. Et cette main qui tremble. Et cette voiture roulante qui le transporte maintenant dans la nef de la basilique Saint-Pierre de Rome.
Mais je l'admire encore plus, moi, de rester debout dans son nauffrage. C'est une leçon de vie ! Il y a tellement de gens qui abandonnent tout, qui perdent espoir, qui larguent les amarres. C'est un exemple ce pape. Une revanche. La plupart des mecs, aujourd'hui, vont se reposer à cinquante cinq ans. A cinquante ans déjà on les sent fatigués. Lui, il tient debout. C'est dificile. C'est un combat qu'il mène. Il nous dit : vous non plus, n'abandonnez pas, tenez bon, gardez espoir ! Quelle belle leçon pour tous ceux qui souffrent, encore plus malade que lui, les grands vieillards, les incurables dans les hôpitaux, les accidentés de la route. Gardez espoir. Regardez. On peut tenir encore un peu.
D'ailleurs, hier, j'ai demandé à mon médecin : ai-je le droit d'être fatigué à soixante quinze ans ?
28 décembre 2002
Les journaux sont pleins, ce matin, des déclarations de Jean-Paul II sur la guerre possible en Irak. Preuve de l'utilité du pape. Preuve qu'il fait bien de rester, de ne pas démissionner. Son message est fort : non à la guerre préventive ! Oui, il a encore des choses à dire. Le cerveau est intact, c'est le principal.
Pour ma part, c'est pareil. Tant que je pourrais faire mes conneries, je les ferai. Toutes proportions gardée !...
29 décembre 2002
Les hommes politiques se succèdent à la télé pour présenter leurs voeux. Que peuvent-ils sur le cours des choses ? A-t-on seulement encore de grandes figures politiques ? Rien de comparable au Pape, en tout cas. On a l'impression qu'ils sont de passage pour tenir la boutique pendant quelques mois. (...)
30 décembre 2002
Festival Jacques Tati à la télévision : je ne comprends pas les éloges extraordinaires autour de cet artiste. Les journaux en sont pleins ces jours-ci. Il faut aimer Tati. On vous le dit. On vous l'assure. La musique qui commençait le film hier soir était bien. Mais je n'ai rien compris au reste. On attend quelque chose, une logique, un effet, une trame... rien ne vient. Je crois que c'était Mon oncle. Chiant au possible. Je me suis endormi. Mais a-t-on le droit de le dire ?
31 décembre 2002
On me souhaite une bonne année par téléphone. Que faut-il vous souhaiter ? Je réponds sans hésiter : La révolution ! Mais je ne suis pas dupe, elle ne viendra pas. Ni sursaut, ni rien.
5 janvier 2003
On ne parle que de clonage partout. Je ne sais pas ce que cela veut dire. (...) Mon instinct de paysan, moi qui suis un enfant des "fortifs", me dit que c'est une escroquerie, j'attends de voir cet être humain répliqué à 'infini qu'une secte met en scène à grand fracas. A supposer que tout cela soit vrai, à quoi sert le clonage ? Nous sommes tous immortels. Nous allons tous vivre éternellement. On est parti depuis notre naissance pour l'éternité ! J'en suis persuadé... Je ne comprends pas l'affolement général autour de la mort. On va roter un peu fort, une dernière fois, et hop, le grand voyage... Pour cela aussi, c'est bien d'être chrétien. (...)
De toute façon, la terre aura explosée avant. Entre le clonage et Georges Bush, la Corée et Saddam Hussein, les marées noires et les fléaux un peu partout, j'ai le sentiment qu'il va y avoir un branle-bas de combat terrible. Tout va péter. Dieu va repartir de zéro. "Je vous demande pardon, je me suis trompé, je n'ai pas consacré assez de temps à la fabrication des humains, je recommence." si Claude Berri lit cela, il va en faire un film.
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