Extraits...
En 1990, 456 centres fonctionnaient dans plus d'une centaine de pays, cette année-là, 500 000 familles furent nourries, 20 000 enfants accueillis dans 124 écoles, 90 000 lépreux soignés, tandis que 17 048 personnes recevaient des visites à domicile. Six centres recueillirent 661 sidéens, dont 88 moururent cette même année. Des cours de catéchisme aux visites des prisons, des foyers pour enfants abandonnés aux centres pour alcooliques et drogués, les Missionnaires de la charité ont créé une organisation internationale tournée vers les pauvres et les malheureux. On les trouve sur tous les continents, dans les endroits les plus inattendus. Je demandai une fois à Mère Teresa s'il existait un lieu qu'elle n'eût pas encore exploré. Elle rit : «S'il y a des pauvres sur la Lune, nous irons aussi là-haut !»
À une époque où l'Église s'inquiète de la crise des vocations, les Missionnaires de la charité sont aujourd'hui près de quatre mille. Plusieurs centaines de personnes attendent avec impatience d'être acceptées au sein d'un ordre où elles connaîtront une existence difficile au point d'en paraître absurde : la bonne humeur, le bon sens et une santé robuste sont des conditions indispensables. La formation des soeurs, comme l'administration de l'ordre et ses activités, sont très largement menées depuis la "Maison mère", nom donné aux quartiers généraux de Mère teresa, 54 A Lower Circular Road. Après dix heures du soir, elle-même s'y réfugie dans une petit bureau qu'occupent pendant la journée trois soeurs assises devant des machines à écrire hors d'âge. Elle y répond aux messages, aux demandes urgentes, et s'occupe de sa correspondance jusqu'au petit matin. C'est pendant ces heures solitaires qu'ont été écrites nombre de lettres que j'ai reçues au fil des années. Parfois, quand je la vois, les paupières lourdes, et que je lui demande pourquoi elle ne dort pas au moins 6 heures par nuit, elle répond en riant qu'elle en aura tout le temps dans l'autre monde.
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Peu de temps après, je lui suggérai mon intention d'écrire un livre sur elle. Elle me répondit aussitôt qu'elle ne voulait pas d'un énième résumé de sa vie. Puis elle réfléchit, hocha la tête et me dis : «Parlez de l'oeuvre accomplie.» Que je ne partage pas sa foi ne la préoccupait nullement.
Ellee me fit confiance et me donna une lettre écrite de sa main, destinée à toutes ses soeurs, leur permettant de me montrer ce qu'elles faisaient, et de répondre à mes questions. Au cours des quatre années qui suivirent, je m'en servis fréquemment lors de mes voyages. J'allais souvent à Calcutta et Mère Teresa, en me voyant, demandait invariablement : "Est ce que le livre est prêt ? Trois ans plus tard, cependant, je n'en avais pas écrit une ligne, trop inquièt et nerveux. Je fini par lui dire que, étant fonctionnaire, j'éprouvais le besoin de procéder d'abord à des recherches approfondies. Elle en convint et ne me posa plus jamais la question. Par la suite, chaque fois que je passais à la Maison mère, elle disait ! "Accha, vous êtes donc venu ?" et entreprenait de me remettre une nouvelle lettre d'introducion, ou de répondre à mes interminables questions. Elle ne se montrait réticente qu'au sujet de sa propre vie, déclarant, en haussant les épaules, que cela n'avait aucune importance.
Mère teresa ne se prête pas aisément aux exigences des aspirants biographes. Elle répète constamment qu'elle-même n'est rien, tout au plus un crayon entre les mains de Dieu.
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Son oeuvre a eu de grands effets dans les endroits les plus innatendus, et souvent au plus haut niveau. L'union soviétique n'ayant pas répondu à sa demande de créer un couvent là-bas, elle eut l'idée de se rappeler au bon souvenir de Mikhaïl Gorbatchev en lui envoyant un message le jour de la Saint Michel ! Elle implora les présidents Georges Bush et Saddam Hussein d'arrêter une guerre qui serait fatale à des millions d'innocents et, après la fin des hostilités, obtint du président irakien la permission d'ouvrir six centres dans son pays ravagé par la guerre. Bien qu'elle ne représente que les pauvres et les démunis, Mère Teresa a accès aux coulisses du pouvoir, et de nombreuses nations ont fait pleuvoir sur elle les plus grands honneurs. Qu'elle le reconnaisse ou non, cette religieuse octagénaire constitue une force énorme au sein de l'Église. Sans doute serait-elle accablée d'apprendre qu'au Vatican, on parle de l'archevêque de Calcutta comme du "prélat de Mère Teresa". Les cardinaux rivalisent pour être vus en sa compagnie, le pape la reçoit à chacune de ses visites à Rome. Et pourtant, elle reste l'humilité même.
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