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MÈRE TERESA

UNE VIE POUR L'AMOUR

de Navin Chawla (1994)


Extraits...

Mère teresa se souvient : «Je n'avais que douze ans quand j'ai pour la première fois ressenti le besoin de devenir religieuse.» [...]

Devenue jeune fille, Agnès avait déjà de nombreuses qualités. Selon son frère, c'était une écolière studieuse, d'allure toujours soignée, et fort bien organisée. Elle se mit à faire le catéchisme aux enfants, et en vint à adorer enseigner. Une cousine se souvient également que, dès cette époque, elle ne refusait son aide à personne; c'était quelqu'un à qui on pouvait se fier, et qui se montrait l'amie de tous, quelques soient leurs croyances religieuses.
C'est six ans après la première manifestation de sa vocation que Mère Teresa se sentit appelée par Dieu à quitter sa famille et ceux qu'elle aimait pour devenir missionnaire. Ne sachant que penser, elle se tourna vers le père Jambrenkovic, qui lui expliqua que l'appel de Dieu devait nécessairement s'accompagner d'une grande allégresse, surtout quand c'était l'indication d'une vocation.
Récemment, assise sur un petit banc devant la chapelle de la Maison mère, Mère Teresa m'a dit : «À dix-huit ans j'ai décidé de quitter les miens pour devenir religieuse. J'avais compris que ma vocation était d'aller vers les pauvres. Ensuite, je n'ai plus jamais eu le moindre doute.» Et, levant le doigt vers le ciel, elle a ajouté : «Il a choisi.» Cette fois, sa mêre elle-même ne douta pas. Quand Gonxha lui apprit la nouvelle, Nana Loke, alla dans sa chambre, où elle s'enferma une journée entière. Quand elle en sortit, mère et fille savaient quel itinéraire il fallait suivre, et elle dit à Agnès : «Mets ta main dans la Sienne, et marche tout au long du chemin avec Lui.»

Pour se soumettre à ce qui était clairement la volonté de Dieu, la jeune fille demanda à faire partie des religieuses de Notre-Dame-de-Lorette envoyées au Bengale. Elle apprit que le chemin passait par le couvent de l'ordre à Rathfarman, en Irlande, où elle devrait d'abord séjourner pour apprendre l'anglais. Le 26 septembre 1928, accompagnée de sa mère et de sa soeur, Agnès se rendit à Zagreb par le train. À la gare de Skopje, elle dit adieu, en larmes, à sa famille, ses amis et aux membres de l'association venue la saluer. Elle passa à Zagreb quelques jours, qui ne parurent durer qu'un instant. À la gare, elle dit adieu à sa mère : c'était la dernière fois qu'elle la voyait.

Le 24 mars 1932, Agnès prononça ses premiers voeux - pauvreté, chasteté, obéissance. Elle choisit son nouveau prénom d'après Thérèse Martin, sainte Thérèse de Lisieux, morte de tuberculose à peine âgée de 24 ans, et que le Vatican avait canonisée en 1925.
Le choix d'un tel nom posait toutefois un problème : la soeur Breen, qui avait achevé son novicat l'année précédente, avait déjà pris celui de Marie-Thérèse. Pour couper court à toute confusion, Agnès décida de l'orthographier à l'espagnole, "Teresa", ce qui conduit invariablement les gens à lui demander si c'est celui de la célèbre religieuse espagnole. «Ce n'est pas la grande sainte Thérèse, m'a-t-elle expliqué patiemment, comme elle l'avait déjà fait des centaines de fois, mais la petite, -désignant ainsi sainte Thérèse de Lisieux. Toutefois, la communauté d'Entally ne tarda pas à trouver un moyen plus substil de les différencier : elle fut vite appelée "la Teresa bengali", sans doute parce qu'elle parlait si bien la langue.

[...]

Pendant la guerre, le Congrès national indien poursuivit sa lutte pour libérer l'Inde de la tutelle britannique. Mohandas Karamchand Gandhi était à la tête du mouvement, lequel restait essentiellement pacifique, Gandhi étant un apôtre de la non-violence. De son côté, la Ligue musulmane de Mohammed Ali Jinnha, lui aussi avocat, réclamait la partition de l'Inde, et une patrie pour les musulmans, qui s'appellerait le Pakistan. Le 16 aôut 1946, le Ligue tint un meeting de masse dans un parc de Calcutta, non loin du Raj Bhavan. Les passions déjà échauffées, provoquèrent des émeutes sanglantes entre hindouistes et musulmans. quatre jours et quatre nuits durant, la ville fut prise d'une frénésie meurtrière - nouvelle tratégie imposée à une cité accablée de malheurs. Les réserves de nourriture, déjà maigres, disparurent tout à fait et, pour la première fois, Mère Teresa se vit confrontée à la perspective de voir mourir de faim les deux cents enfants dont elles avaient la charge.
L'indépendance s'accompagna de la partition, et de la création de deux enclaves musulmanes qui devinrent le Pakistan, impliquant la partition des provinces du Bengale et du Pendjab, à mille six cents kilomêtres l'une de l'autre, bientôt suivie par l'une des plus grandes migrations humaines de l'Histoire. Six millions de gens firent le voyage, et plus d'un million quittèrent le Pakistan oriental pour le Bengale. La misère fut encore accrue par de nouveaux massacres, nés eux aussi de la folie des communautés. Calcutta se vit inondé de vagues de réfugiés venues du Pakistan, des bidonvilles apparurent partout, les services municipaux s'effondrèrent; les travailleurs sociaux les plus intrépides s'épouvantaient de l'énormité du désastre. Calcutta semblait être réellement devenue "la cité de la terrible nuit" évoqué par Kipling.
Jusqu'à quel point ces évènements cataclysmiques pénétrèrent-tils le couvent, affectant Mère teresa ? On dit que sa chambre à St Mary's donnait sur le cauchemar du bidonville de Motijhil et qu'elle en fut profondément bouleversée, mais c'est inexact. L'endroit existe toujours, bien que la situation s'y soit grandement améliorée, mais on peut le voir que depuis les salles de classe, tandis que la chambre de Mère Teresa se trouvait à l'autre bout de l'ensemble de bâtiments.
Quoi qu'il en soit, la misère lui était désormais familière. Nombre de ses élèves venaient de familles appauvries, et la Fraternité de la Vierge lui avait donné l'occasion de rencontrer des gens encore plus misérables. Le père Henry eut également beaucoup d'influence sur elle : il travaillait dans les taudis, et croyait fermement que la prière ne suffisait pas si elle n'était pas suivie d'actes. Il est probable qu'elle partageait ce point de vue. D'un autre côté, elle était parfaitement heureuse de sa vie de religieuse. Je lui ai donc demandé ce qui l'avait amenée à prendre sa décision.
«C'était un ordre intérieur m'a-t-elle dit, de quitter le couvent, où j'étais très heureuse, pour aller servir les pauvres dans les rues.» Cet appel, elle l'entendit le 10 septembre 1946, dans le train qui l'amenait à Darjeeling, où elle devait faire retraite, et il la poursuivit tout au long de son séjour dans cette ville. «Le message était tout à fait clair, précise-t-elle, c'était un ordre. Je devais quitter le couvent. J'ai eu le sentiment que Dieu exigeait davantage de moi. Il voulait que je sois pauvre, que je L'aime sous l'affligeante apparence des pauvres entre les pauvres. [...]

Je me souviens également des paroles de Michael Gomes, dans la famille duquel Mère Teresa vint s'installer, 14 Creek Lane, peu après avoir quitter le couvent d'Entally. Elle lui confia un jour : «Je sens très profondément que je suis bien au chaud dans mon lit tandis que, dans la rue, vivent ceux qui n'ont pas de couverture. Je crois qu'il est coupable de ne pas partager. [...]

Mère Teresa a souvent parlé, à ce sujet, d'un «Appel au sein d'un Appel», d'une seconde vocation. elle resterait religieuse; seule la tâche changerait. «Je n'avais pas à renoncer à quoi que ce soit; ma vocation, mon appartenance au Christ ne changeaient pas. Je ne faisais qu'adopter d'autres moyens pour servir les pauvres entre les pauvres.» Pourtant, quitter l'ordre fut un grand sacrifice, et elle le reconnaît : «C'est la chose la plus difficile qu'il m'ait jamais fallut faire, c'était un sacrifice encore plus grand que de quitter ma famille et mon pays pour entrer en religion.» [...]

Mère Teresa raconte : «Le message était clair, je savais où je devais aller, mais j'ignorais comment.» Plusieurs autorisations étaient en effet nécessaires. Après tout, elle était une femme très quelconque, certes principale d'une école, mais guère plus qu'une petite fonctionnaire dans la hiérarchie de l'Église. De surcroît, il fallait que le Vatican l'autorise à travailler directement pami les pauvres, non en tant que laïque, mais en tant que religieuse ayant prononcée ses voeux, en lui accordant l'exclaustration.

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