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MÈRE TERESA

UNE VIE POUR L'AMOUR

de Navin Chawla (1994)


Extraits...

Mère Teresa bénéficia, plusieurs années durant, de l'assistance des ses supérieures de Lorette. Selon soeur Rozario : «On lui a versé une certaine allocation, dont j'ignore le montant. Selon le droit canon, c'était inadmissible. On lui a fourni meubles, tables, lits et divers ustensiles quand elle a commencé.»
Si elle avait peu d'argent sur elle, c'était de son propre voeu. Les soeurs de l'ordre qu'elle venait de quitter étaient tenues, aux termes de la loi de l'Église, de satisfaire à ses besoins, et c'est bien ce qu'elles avaient fait. Elle ouvrit son premier dispensaire à St Teresa's School, et donna un cours de couture sous la véranda. Les dimanches, elle dirigeait la réunion des membres de la Fraternité, dont nombre étaient, en semaine, élèves de St Mary's. Certaines furent ses premières postulantes et sont aujourd'hui les piliers de sa congrégation. [...]
D'autres suivirent, et aujourd'hui nombre d'anciennes élèves de Lorette font partie des Missionnaires de la charité.

[...]

Au bout de quelques semaines à Patna, Mère Teresa était impatiente de repartir à Calcutta, et envoya lettre sur lettre au père van Exem pour qu'il lui permette de commencer le "vrai" travail. Comme il me l'a confié avec amusement, «elle disait toujours qu'elle voulait revenir, qu'elle avait suffisamment étudié, qu'elle avait vu toutes les maladies, que celles de Calcutta n'étaient d'ailleurs pas celles de Patna, et qu'elle ne verrait pas à l'hôptal celles qu'elle trouverait dans les bidonvilles.»
En novembre 1948, le père van Exem s'en vint faire retraite à Patna et, dès son arrivée, se rendit à l'hôpital. «Là, j'ai vu un groupe de soeurs et d'infirmières qui bavardaient, je suis allé vers elle et j'ai dit : «Je suis venu voir Mère Teresa. Où est-elle ?» J'ai entendu une voix dans mon dos : «Mais père, je suis là !» Je ne l'avais pas reconnue, parce qu'elle était en sari. J'avais pourtant béni les trois qu'elle possédait, mais je ne l'avais jamais vu en porter un.»
À l'hôpital, il s'entretint avec la supérieure, une américaine nommée soeur Stéphanie, et lui apprit que soeur Teresa voulait rentrer. Il ajouta que, selon lui, il était douteux qu'elle ait pu apprendre beaucoup de choses en si peu de temps, et reconnu être un peu inquiet à l'idée de lui permettre de revenir prématurement, parce qu'il craignait qu'elle ne commette des maladresses. Il se souvient même avoir dit : «Et ce serait la fin de l'entreprise.» À sa grande surprise, soeur Stéphanie répondit : « Oui, père, soeur Teresa peut retourner à Calcutta. Elle est très prudente et ne commettra pas d'erreurs. Beaucoup de gens viendront l'aider et la conseiller. Ils prendront leurs propres responsabilités dans le partage des tâches.» Le médecin, une hollandaise nommée soeur Élise, le confirma : «Soeur Teresa est prête. Elle peut partir aujourd'hui même.»
«Je lui ai écrit de Calcutta que l'archevêque lui avait accordé la permission de rentrer, et que je lui avais trouvé un endroit où se loger, chez les Petites Soeurs des pauvres.

[...]

À mesure qu'elle se heurtait aux problèmes des bidonvilles, jamais elle n'éprouva le besoin d'emprunter les voies administratives habituelles : procéder à un examen d'ensemble, tracer des plans, rassembler les ressources, former des gens. Elle ne voyait que les besoins immédiats de tel ou tel et s'efforçait de les satisfaire sur-le-champ. Si on lui présentait un enfant mal nourri, mener à bien un projet de lutte contre la malnutrition n'était pas de son ressort; elle empruntait le chemin le plus court pour lui trouver de quoi manger. Un tel point de vue n'a pas changé au fil des années.

[...]

En Inde, la mendicité fait partie d'une très ancienne tradition. Au fil des âges, prêtres, sages, et enseignants ont dépendu, pour vivre, du soutien des puissants ou de leur communauté. Mère Teresa s'adapta assez facilement à ce modèle, faisant fréquemment référence à ses "lettres de supplication" et à ses "expéditions de mendiante" pour obtenir remèdes, nourriture et vêtements de seconde main. C'était la conséquence logique de sa volonté de pauvreté, de son soucis de s'en remettre pour tout à la Providence. Elle fut pourtant remplie d'un étrange malaise quand un couple de Calcutta, extrêment riche et connu de toute la ville, vint lui rendre visite à l'école de Motijhil, lui promettant toute l'aide possible. « Du fond du coeur, j'ai prié avec ferveur pour que rien ne puisse venir gâcher notre pauvreté et notre union avec Lui. Je n'ai jamais mieux compris que maintenant à quel point je ne suis rien.» (...)

Une caractéristique essentielle de la personnalité de Mère Teresa est sa nature profondément pratique. Elle n'a jamais le temps, ni le désir de se perdre en bavardages inutiles, et pourtant, elle a le sens de l'humour. Ce que l'on dicerne dans une note de fin février 1949, après une rencontre avec le responsable de l'éducation. "Ma soeur, a-t-il dit, je vous admire et je vous envie. Votre amour pour ces classes défavorisées est grand, et nous autres, de ce pays, nous ne faisons rien. Allez voir le Premier ministre et dites-lui ce que vous faites. C'est lui, et non pas vous, qui devrait s'en charger avec l'état. Vous êtes une petite soeur, mais vous paraissez bien décidée à agir, et vous réussirez." J'aurais préféré qu'il me donne autre chose que ce bavardage creux."
Comme l'avaient prédit les soeurs de Patna, Mère Teresa eut, dès le début, des gens pour l'aider. (...) Pourtant, certains jours, les bénévoles n'étaient pas en mesure de venir. A plusieurs reprises, Mère Teresa évoque en passant une enseignante ou un médecin qui n'ont pu assurer leurs devoirs. Ce qui déséquilibrait tout. Il ne fallut pas longtemps pour qu'elle comprenne qu'il était difficile à des laïques, qui avaient des responsabilités envers leur famille, de se consacrer entièrement au travail dans les bidonvilles.
Le 14 janvier, elle nota : "Je suis allée voir les malades, mais il n'y avait pas assez de temps et l'enseignante était très désireuse de retrouver ses [propres] enfants. Cela montre à quel point il est nécessaire que nous soyons des religieuses pour accomplir cette tâche." Ce sentiment se renforça à mesure que s'écoulaient les jours. Le 23 janvier, elle observa ainsi : "Pour persévérer dans un tel travail pendant longtemps, il faut qu'un grand pouvoir vous pousse par-derrière. Seule la vie religieuse peut le donner."

 

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