Mystère
S'il est un mot qui renferme une pluralité de sens, c'est bien le mot «mystère». Parfois même, certains hésitent à l'employer par peur de n'être pas très bien compris. Quels mystères se cachent derrière ce mot ? Pour le comprendre, il faut s'écarter des acceptations, souvent extrêmement floues, que la langue courante lui a données.
Des mystères à éclaircir
L'Église a longtemps été réticente à utiliser le mot «mystère», connoté assez négativement. Les cultes à «mystères» de la Grèce antique, différents des cultes publics, proposaient à leurs adeptes une voie de salut par le biais de rites d'initiation, qui devaient être gardés secrets. Malgré ce contexte défavorable, saint Paul n'hésita pas à employer le mot de mystère, non pas au sens de secret à garder, mais de dessein divin révélé. Dans sa lettre aux Romains, il s'exprime ainsi : Oui, voilà le mystère qui est maintenant révélé : il était resté dans le silence depuis toujours, mais aujourd'hui il est manifesté. Par ordre du Dieu éternel [...], ce mystère est porté à la connaissance de toutes les nations. (Rm 16, 25-26).
Dieu, qui, tout au long de l'histoire, s'est fait connaître comme justice et providence, fidélité et tendresse, se manifeste lui-même dans la personne de Jésus-Christ. Il est lui-même le mystère révélant Dieu. Et c'est plus précisément dans sa Passion, sa résurrection et son ascension dans son mystère pascal, que le Christ dévoile le dessein de Dieu. Par sa croix dit saint Paul, il a réconcilié tous les hommes avec Dieu (Ep 2, 16). De toute éternité, Dieu a voulu sauver tous les hommes pour leur faire partager sa vie divine, voilà le mystère annoncé à toutes les nations par la prédication évangélique.
Parce qu'elle annonce le mystère du Christ, l'Église le manifeste au monde, devenant pour tous « sacrement universel du salut», selon la belle expression de la constitution sur l'Église (Lumen gentium, n° 48).
Loin d'être secret, le mystère est révélation. La seule limite qui peut demeurer, c'est celle qui fait fléchir les genoux de Paul et qui touche à la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur de l'amour du Christ qui surpasse tout ce qu'on peut connaître (Ep 3, 18-19).
Les saints mystères
Les « saints mystères », expression qui peut paraître un peu désuète, désignent les rites de l'initiation chrétienne, baptême, confirmation, eucharistie, et plus particulièrement l'eucharistie, c'est-à-dire les rites qui font entrer un homme dans la connaissance intime du salut. Les « saints mystères » renvoient au mystère pascal du Christ. C'est en étant plongé dans la mort et la résurrection du Christ que l'on est réconcilié avec Dieu et que l'on accède, selon le projet éternel de Dieu, à l'intimité avec lui. L'eucharistie en tant qu'elle est actualisation du mystère pascal peut, à juste titre, être dite mystère.
Parler de « mystère », qu'il s'agisse de Dieu, du Christ, de l'Église ou des sacrements de l'initiation, c'est entrer dans une dynamique, celle de l'oeuvre de Dieu. Cette réalité qui dépasse infiniment ce qui est perçu, la liturgie nous la fait vivre.
■ Bernadette Mélois
